Détail de la nouvelle

Du temps frais à la Journée annuelle de l’enseignement

La conférencière Nancie Rouleau
Le Salon de l’innovation à l’Atrium Jean-Guy-Paquet
La conférencière Kim Thùy
L’ambassadrice du Mois de la pédagogie Danielle Saucier résume la Journée annuelle de l’enseignement

Le partage d’une prise de conscience lors des conférences et des ateliers

C’est à l’Amphithéâtre Hydro-Québec du pavillon Alphonse-Desjardins que s’est tenue le 3 mai la 19e Journée annuelle de l’enseignement de la Faculté de médecine où plus de 130 personnes y ont pris part. C’est sous le thème Prendre le temps que s’est orchestré l’ensemble des activités de la Journée en explorant le facteur temporel, ses liens avec la qualité de l’enseignement, le climat de travail et d’apprentissage tout en considérant l’épanouissement personnel et professionnel.

Le doyen Julien Poitras et la vice-doyenne au développement professionnel, à la pédagogie et à la responsabilité sociale Emmanuelle Careau ont souhaité, par le truchement d’une vidéo, que les activités proposées lors de cette journée soient des outils concrets, une source de bienfait et de réflexion. 

La pleine conscience au cœur de l’enseignement en sciences de la santé
La neuropsychologue et chercheuse au Center for Mindfulness and Compassion du Département de psychiatrie de l’Université Harvard, Nancie Rouleau, a prononcé la conférence d’ouverture. Elle a donc expliqué cette habileté de la présence attentive de la pleine conscience et ses bienfaits. 

Se ramener à soi
La professeure Rouleau suggère notamment d’accueillir toutes les expériences, connues ou répétitives, comme si c’était la première fois, et idéalement avec curiosité, patience et non jugement. En d’autres termes, laisser l’expérience être ce qu’elle est, c’est-à-dire nouvelle. Des études démontrent que 52% du temps éveillé se passe ailleurs, la course ne se mène donc pas vers soi, car l’esprit et la volonté se dépensent ailleurs. La distraction est subtile et c’est important d’en prendre conscience. L’exercice de la pleine conscience permet une meilleure santé, soutient la conférencière, dans la mesure où il est priorisé. Elle ajoute que le meilleur moment pour instaurer une telle pratique est quand ça va bien, car lorsque ça va mal, le moment est mal choisi pour chercher et instaurer de nouveaux outils pour reprendre la forme.

Vivre dans ce moment
La notion de temps ne se quantifie pas, le temps est impalpable. Le développement de la conscience de notre propre vie est donc un travail de longue haleine, car le flot de pensées ne définit pas qui nous sommes. Pour y arriver, la conférencière suggère de devenir le témoin, le spectateur distinct de notre expérience, c’est-à-dire sans s’identifier au moment présent. Afin de rendre la théorie plus concrète, elle a mené l’exercice de la pleine conscience et à la compassion auprès de toutes les personnes présentes dans la salle.

Plusieurs bénéfices surviennent avec l’habitude de cette pratique : réduction du stress, performance au travail, comportements prosociaux, modifications neurophysiologiques. Sur le plan de la santé physique : amélioration de la santé cardio-vasculaire et immunitaire et la santé mentale y gagne aussi par une réduction de l’anxiété, de la dépression et des dépendances.

Par la suite, les participants et participantes ont fait un choix parmi les sept ateliers pédagogiques : exercer un leadership mobilisateur en enseignement; Le temps perçu par les Premières Nations; Équité, diversité et inclusion : concepts, approches et pistes d’action; Comment prendre le temps en supervision; Au rythme de l’IA : intégrer les agents conversationnels en contexte pédagogique; Développer les compétences pour et par la recherche : de l’encadrement à l’action; Saisir le temps : la classe inversée en grand groupe. 

Plusieurs exposants se sont regroupés à l’Atrium Jean-Guy-Paquet pour le Salon de l’innovation et la visite des kiosques a semblé répondre à des besoins. 

L’après-midi a débuté avec la conférence de la médecin de famille Léa Hoff sur LifeStyle Medicine et prescrinature sur l’importance, entre autres, des habitudes alimentaires. L’assistance s’est ensuite dispersée vers l’un des cinq ateliers de bien-être : chorale, massoballe, danse en ligne, Mindful Self Compassion et marche sociale.

Prendre le temps de saisir la beauté et la partager
La conférence de l’écrivaine québécoise d’origine vietnamienne Kim Thùy a clôturé la Journée. Relatant plusieurs expériences personnelles, l’écrivaine a multiplié les exemples pour converger vers le thème de prendre le temps. Nul doute que son parcours de petite fille arrivée comme réfugiée au Québec a relevé à un haut niveau sa capacité d’adaptation et aiguisé son regard sur les fruits qui se sont développés avec le passage du temps. 

« On était du Sud du Vietnam, nous étions persécutés parce que nous étions les perdants de la guerre […] mes frères allaient avoir 18 ans et ils auraient été envoyés directement sur les champs de bataille, ils n’auraient pas pu faire leur admission à l’université […] seules les familles du Nord pouvaient envoyer leurs enfants. L’éducation était la raison principale pour laquelle on a quitté le Vietnam. C’est pourquoi je veux toujours apprendre encore et encore […] L’humain est extraordinaire, car il sait s’adapter aux changements. » a relaté Kim Thùy. 

Même dans le camps de réfugiés qualifiés de temporaire, la mère de Kim a statué un petit espace autour d’une roche pour tenir une école. Les enseignants du camps y partageaient sans ambages leurs connaissances. Un professeur l’a beaucoup marquée, au-delà des mathématiques et de la langue anglaise, il semait la joie, il enseignait avec un grand sourire, sa classe était toujours la plus nombreuse.

« La matière première qu’on apprend, c’est parfois l’inattendu en-dehors du cours lui-même et les fruits peuvent arriver 30, 40 et 50 ans plus tard. » a-t-elle ajouté.

Vivre dans ce passage du temps
Elle a aussi raconté que l’instabilité de ce pays en conflit avait de nombreuses incidences et qu’il était difficile, sinon impossible de planifier la vie quotidienne, notamment sur leur approvisionnement en nourriture. Cela a fait en sorte qu’ils ne pouvaient rien décider d’avance pour un repas et que le lâcher-prise était la meilleure voie à emprunter. À ce sujet, elle avance qu’il est peut-être plus difficile de pratiquer le lâcher-prise dans notre société organisée puisque nous sommes dans un pays « parfait ». « Moi, je sais que tout est éphémère, je sais que je dois prendre tout ce qui est là.»

La langue et le temps
L’écrivaine a fait une remarque sur le temps en comparant la langue vietnamienne à la française. La langue vietnamienne s’écrit toujours à l’infinitif, Kim Thùy mentionne que les Vietnamiens se comprennent sans utiliser les temps de verbe. Elle soutient que cela les place davantage dans le moment présent alors que la langue française a beaucoup pensé et développé le temps.

« Il y a le passé simple, le passé composé et même le futur antérieur, la langue française nous oblige à réfléchir au temps tout le temps. Contrairement à la langue française, la langue vietnamienne n’a pas de si, on n’a pas de plan B. » 

Elle a terminé sa conférence par un poème d’Ernst Jandl qu’elle voulait partager à l’ensemble des professionnels et professionnelles de la santé dans la salle : être allongé contre toi, je suis allongé contre toi, tes bras me tiennent. Tes bras tiennent plus que ce que je suis. Tes bras tiennent ce que je suis quand je suis allongé contre toi et que tes bras me tiennent. « Merci de nous tenir et de nous porter… merci et merci encore. » a-t-elle conclu.

L’ambassadrice du Mois de la pédagogie Danielle Saucier a résumé de façon concise la Journée annuelle de l’enseignement. Elle a notamment dit repartir avec de précieux outils pour exercer la pleine conscience dans toutes ses relations. S’ouvrir sans jugement, réaliser des actions pour mieux vivre maintenant et pour la suite, autant sur le plan personnel que pour son rôle d’enseignante. « En terminant, je vous souhaite de vivre heureux! » a-t-elle conclu.