Un retour sur les moments marquants de la carrière de cet homme d’exception
La direction de la Faculté de médecine a appris avec une profonde tristesse le décès du professeur émérite Jean Rochon, survenu le 16 octobre 2021. M. Rochon a été doyen de la Faculté de médecine de 1979 à 1985.
Nous tenions à rendre hommage à cet homme aux multiples talents en publiant un texte écrit à l’occasion de son décès par son collègue et ami Louis Bernard. Nous tenons à offrir nos plus sincères condoléances aux membres de sa famille ainsi qu’à ses collègues et amis.
Jean Rochon
1938 - 2021La Faculté de médecine de l’Université Laval est en deuil; le docteur Jean Rochon, l’un de ses illustres diplômés et ancien doyen, n’est plus.
D’abord diplômé en droit de l’Université de Montréal et déjà connu comme leader étudiant exceptionnel, il compléta ses études de médecine à l’Université Laval, avant de coiffer le tout d’un doctorat en santé publique de la Harvard School of Public Health.
C’est d’ailleurs pendant ses études de doctorat que Jean Rochon a conçu le modèle d’organisation des services de santé centré sur la première ligne (les Centres Locaux de Services) que proposera la Commission Castonguay-Neveu pour la réorganisation des services de santé et des services sociaux du Québec.
En 1970, Jean Rochon accepte l’invitation de développer le département facultaire de médecine sociale et préventive à l’Université Laval. La formation du personnel des nouveaux départements de santé communautaire du Québec est urgente. Les décisions concernant la santé publique devront s’établir sur des bases scientifiques : l’épidémiologie, les biostatistiques, la sociologie, les sciences du comportement et de l’administration. De véritables équipes multidisciplinaires où le médecin a sa place, sans avoir toute la place.
Un vaste chantier prend alors forme sous le leadership du nouveau directeur du Département de médecine sociale et préventive de l’Université Laval. Rapidement, aussi, les autres facultés de médecine du Québec emboitent le pas pour graduellement participer à cet effort collectif de mise à niveau des ressources professionnelles. Enfin, les différents programmes universitaires de formation de professionnels de la santé devront comporter un volet de la santé publique.
Universitaire respecté, déjà reconnu comme sommité internationale en santé publique, le docteur Jean Rochon devient, en 1979, doyen de la Faculté de médecine de l’Université Laval. Objectif : Des têtes bien faites plutôt que des têtes bien pleines! Certainement, mais les deux de préférence.
En 1985, le gouvernement du Québec nomme Jean Rochon président de la commission d’enquête sur les services de santé et les services sociaux pour faire le point sur la réforme du système de santé, quinze ans après son implantation. Elle ne donnait pas les résultats escomptés. Le président dépose son rapport en 1988. La même année, l’OMS recrute Jean Rochon, comme directeur adjoint au bureau régional Europe. En 1990, il est nommé directeur de la division de la Protection et de la Promotion de la santé à Genève, poste qu’il occupera jusqu’en 1993. C’est alors que Monsieur Parizeau est venu le chercher pour faire partie de son équipe.
Élu député du Parti Québécois de Charlesbourg, il devient ministre de la Santé et des Services sociaux dans le cabinet Parizeau et dans le cabinet Bouchard de 1994 à 1998. Pendant son mandat, le ministre Rochon a enclenché le virage ambulatoire, entre autres pour diminuer le plus possible le recours à l’hospitalisation, trop fréquent, trop prolongé, tellement ancré dans les habitudes. En pleine période de restrictions budgétaires pour l’atteinte du déficit zéro, les services et soins à domicile se sont fait attendre. Ainsi la réforme a dû freiner brusquement, ce qui a suscité beaucoup de mécontentement. Aurait-on dû plutôt protéger le virage ambulatoire et retarder l’atteinte du déficit zéro? Pour le ministre Rochon, la solidarité ministérielle ne pouvait pas être mise en cause.
Comme ministre, Jean Rochon a réussi à faire voter la loi contrôlant l’usage public du tabac, malgré de fortes oppositions. Il fallait le faire, quand on pense qu’à cette époque, de nombreux médecins fumaient encore dans les hôpitaux; les distributrices de cigarettes venaient tout juste de céder leur place sur les étages des hôpitaux. On lui doit aussi Héma-Québec, l’assurance-médicaments et la création de l’Institut national de santé publique du Québec.
Le docteur Jean Rochon, expert mondialement reconnu en santé publique est resté Jean, le bon Jean, disponible pour tous. Un doyen dont l’Université Laval et le Québec doivent se souvenir.
Louis Bernard
Pédiatre, spécialiste en santé communautaire et professeur émérite de l’Université Laval